RÉCIF FRANCE: Comment as tu débuté l’aquariophilie et quand?
Joseph MULLER: Après une première expérience en eau douce au Barbarossa Club de Haguenau qui a commencé il y a une vingtaine d’années avec un petit bac de guppies, suivi d’un bac communautaire qui précéda un bac spécifique avec élevage de scalaires et j’ai finalement couronné ma carrière en eau douce par la maintenance de Discus. Le second départ fut pour moi un nouveau défi, à savoir l’aquarium d’eau de mer et mon bac récifal a germé il y a tout juste 3 ans. L’aboutissement en fut un bac en verre collé qui a été mis en eau en avril 97.

Aperçu de la partie technique.

R.F. : A mon humble avis nous affaire à un magnifique aquarium. Quelles en sont les principales caractéristiques?
J.M. : Pour des raisons techniques et de place, l’aquarium trône dans un coin de la cuisine. Il m’a fallu percer la dalle pour profiter dans ma cave d’un maximum d’espace disponible pour l’installation technique. C’est un bac d’angle (en forme de diamant renversé) dont la face avant mesure 180 cm, les deux cotés 120 cm pour une hauteur de 70 cm. L’habillage s’intègre dans l’existant. Son volume est de 850 litres environ. Sur une structure en P.V.C. percé reposent plus de 200 kg de pierres calcaires achetées dans une jardinerie de la région et 20 kg de pierres vivantes en arrivage direct d’Indonésie.

Peter Wilkens (à gauche) et Julian SPrung (accroupi) en visite chez notre ami.

R.F.: Dix pour cent de roches vivantes qui ne se distinguent plus du reste. Voila qui va faire frémir tous ceux qui conseillent de se ruiner en roches vivantes. Voila pour le décor, parles-nous un peu des aspects techniques:
J.M. : D’emblée, je me suis entouré de spécialistes, Didier Birgel et Philippe Gommenginger pour ne pas les citer. Tous deux membres de Récif France pratiquent la méthode «berlinoise» qui pour eux n’a plus de secret et s’imposait dans mon projet.
J’en résume les principes majeurs:
- un écumage performant
- un éclairage de qualité
- un brassage pertinent.

Pour concrétiser ces trois principes j’ai donc mis en place:
a) 2 écumeurs de fabrication artisanale d’un diamètre de 10 cm et d’une hauteur de 140 cm. Ils sont alimentés par un compresseur, la «PUMP 40» de la firme HAGEN. Son débit est de 3800 l/h. 4 diffuseurs de fabrication personnelle 25x25x85mm changés tous les deux mois environ.
b) Sources lumineuses : L’ensemble est recouvert par une hotte en aluminium martelé dont la taille est adaptée aux dimensions de la cuve ; Il n’y a pas de verre entre les sources de lumière et la surface de l’eau.
c) Brassage: 3 pompes «TURBELLE 4002» de la firme Tunze d’une puissance de 3700 l/h chacune. Elles fonctionnent alternativement et sont gérés par un Power Timer 7082 de Tunze. L’ensemble est complété par 4 pompes Maxijet 1200 d’une puissance de 1100 l/h de la firme Aquarium Systems.
Le cheminement de l’eau se fait de la manière suivante : de la «surverse de surface», l’eau s’écoule dans une petite cuve fixée sur le mur près du plafond de la cave, 2 sorties diamètre 32 alimentent les deux écumeurs. Une filtration rapide (perlon changé chaque semaine) arrête les particules qui auraient échappé aux écumeurs. L’eau filtrée tombe dans la cuve annexe 56 x 125 x 42 cm qui reçoit aussi les différents rajouts, de la elle est refoulée par deux pompes Eheim 1060 (montées en tête à cul) à l’étage dans le bac principal.

R.F. : Quel est le peuplement, poissons et coraux de ton aquarium?
J.M. : 19 poissons cohabitent actuellement de façon harmonieuse parmi une multitude de coraux. Je vais essayer de les résumer:
- 4 Chromis viridis, 2 Calloplesiops altivelis, 2 Nemateleotris magnifica, 1 Pholdichthys leucoténia, 1 Pseudocheilinus héxataenia, 1 Neocirrhites armatus, 1 Oxycirrnites typus, 1 Cirrnilabrus solorensis, 1 Acanthurus bariene, 1 Zebrazoma flavescens, 1 Zebrazoma veliferum, 1 Zebrazoma scopas




J.M. : Ces poissons sont nourris quotidiennement avec au moins un apport végétal (algues séchés, brocolis frais hachés menus, épinard surgelé etc.)
Pour la partie non végétale je varie tous les jours, panaché de fruits de mer haché, toutes sortes de nourritures congelées, moules fraîches, paillettes granulés, etc. Certains poissons ont été introduit dès le début, d’autres plus récemment. Je suis particulièrement fier de posséder le Cirrylabrus solorensis, petit labre rare et magnifique de couleur (jaune, rouge, bleu, violet, vert) qui a été découvert en 1997 seulement à proximité de Iles de Sulawesi. On a pas de recul par rapport à cette merveille, même la littérature allemande est avare d’informations. Je le possède maintenant depuis quelques mois et je pense que l’alimentation qu’il reçoit avec les autres poissons lui convient puisqu’il se porte à merveille. Un peu timide au début, quelque fois agressé par mon Pseudocheilinus hexataenia les premières semaines, il occupe majestueusement le devant du bac.

J.M. : Quant aux coraux, une bonne vingtaine de variétés (boutures comprises) durs et une dizaine de mous pour environ 80 coraux différent au total, occupent l’ensemble de l’aquarium. Les places devient rares. Je vais essayer de vous les énumérer, ca sera fastidieux :

- 15 Acropora, 02 Montipora, 06 Pocillopora, 02 Seriatopora, 02 Stylophora, 01 Goniopora, 02 Pavono, 01 Fungia, 01 Merulina, 01 Caulastrea, 02 Montastrea, 02 Trachyphyllia, 03 Turbinaria, 01 Scolynia, 01 Leptoseris, 02 Pachyseris, 01 Pectinia, 02 Catalaphyllia, 01 Tubipora, 02 Xenia, 01 Lythophyton, 01 Sarcophyton, 05 Gorgonia, 01 Rumphella, 02 Pachyclauularia, +++ Discosoma, +++ Rhodoactis




J.M. : J’en ai sûrement oublié mais passons aux autres invertébrés: Plus de 100 petits pagures et autant d’escargots (turbo, astrea, etc.) s’occupent du «ménage» dans l’aquarium.
Enfin comme autres pensionnaires j’ai également introduit : 02 crevettes Lysmata, 01 crevette Stenopus, 13 Tridacna (maxima, derasa, squamosa et Crocea).

R.F. : Pour maintenir tout ce petit monde de façon harmonieuse Quelle eau, combien de changement et quels apports?
J.M. : J’utilise uniquement de l’eau de source (49 µs). Je m’approvisionne tous les mois dans un petit village des Vosges du Nord. Mon osmoseur n’est plus utilisé depuis que je me suis séparé des Discus. Je change mensuellement 30 litres afin de siphonner les cuves annexes, l’évaporation moyenne s’élève à 30 litres par semaine. J’utilise invariablement du sel «Reef Crystal» ou «Instant Ocean» de chez Aquarium Systems.

Il faut considérer deux sortes d’apports, les apports manuels et les rajouts automatisés:

1) Les apports automatisés
1 Réacteur à calcaire Ø 160 H 800 de fabrication personnelle, alimenté par du CO2 à raison de 60 bulles de gaz par minute, une pompe 1060 de Eheim assure la circulation d’eau. Il est rempli de 1/3 de Granulat de Tunze et de 2/3 de débris de coraux.
La valeur du KH à la sortie titre 30° allemand (mesure à la sortie d’un gouttes à gouttes accéléré).
1 Réacteur à hydroxyde modèle Visio Réacteur copié sur Internet (site MARS) alimenté par l’osmolateur 3150 de Tunze repmli de 3 cuillères à soupe de Calcium hydroxyde de chez Acros par quinzaine.
2) Les apports manuels
Pour plus d’homogénéité j’ai passé depuis peu aux apports quotidiens:
a) Lugol à 5% 2 gouttes par jour
b) Strontium de chez Acros 5ml par jour
c) Oligots éléments 5ml par jour
d) Potassium iodine 2ml par jour

R.F. Avec ces différents apports, quels sont les divers paramètres physico-chimiques de l’eau?
J.M. : J’ai une approche écologique de mon récif. J’essaye de coller au plus proches de paramètres océaniques. D’ailleurs plus on en est proche, mieux les animaux se portent.
Par exemple, je prefère nourrir copieusement les poissons plutôt que de rajouter des nitrates parce la teneur en est trop basse pour les coraux.

PH 8 à 8,3 - KH 9 à 11 - CA 450 À 500 - NO2 0 - NO3 1 - P04 0 - IODE 0,06 - FER traces

R.F. : Pour finir, quelles sont les bonnes ou les mauvaises surprises rencontrées depuis tes débuts?
J.M. : On va commencer par les mauvaises. J’ai connu quelques échecs avec des poissons de la famille des Acanthuridés. A savoir les espèces suivantes: A. Leucosternon, A. Achilles, A. Japonicus, A. Glaucaupareus. Mes copains ont souvent connus les mêmes déceptions. Je ne connais qu’un cas d’A. leucosternon qui vit depuis plusieurs années dans un bac récifal. Nous sommes arrivés à la conclusion suivante : à partir d’un seuil élevé de coraux durs, la maintenance de certains chirurgiens fragiles n’est plus possible. Dans l’océan, ces poissons viennent se nourrir dans les récifs et repartent vers le large comme pour se nettoyer? Ce n’est qu’une hypothèse.
Au printemps 99 j’ai connu un autre problème avec des chirurgiens. J’avais dans mon bac deux A. hepatus, le premier dès le début, le deuxième 6 mois plus tard. Ils étaient magnifiques et ne posaient aucun problème particulier jusqu’au jour où mes bénitiers ne s’ouvraient plus. J’incriminais la qualité de l’eau. Rien. Une observation minutieuse me fit découvrir l’agression répétée de ces deux poissons chirurgiens dont j’ai du me séparer rapidement. J’ai connu la même mésavaneture avec un Acanthurus strigosus dès son introduction. Ma conclusion personnelle: Acanthurus = MEFIANCE
Autre problème. J’avais longtemps du mal à maintenir un KH correct (8° allemand) et ce malgré mes nombreux rajouts. Ce problème a été résolu par le fonctionnement simultané du réacteur à calcaire et du réacteur à hydoxide. Nombre de mes amis sont du même avis et je puis vous assurer que nous avons agis ainsi sans concertation.
Mais il y a aussi les bonnes surprises. Je citerai la pousse phénoménale des madréporaires et plus particulièrement de deux espèces d’Acropora. La division en quatre d’un Tubipora musica par manque de place et enfin un Gogniopora de couleur verte introduit dans l’aquarium tout au début lors du peuplement initial et qui 30 mois plus tard s’épanouit toujours comme un magnifique bouquet de fleurs à la grande surprise de notre membre d’honneur Peter WILKENS lors de son passage chez moi en Mai dernier. Pour la petite histoire, j’ai la chance d’avoir un fils au moins aussi passionné que moi, mais sûrement meilleur bricoleur. Comme il habite du côté de Marseille, les boutures, le matériel, les bons (parfois aussi les mauvais tuyaux) voyagent du Nord au Sud et du Sud au Nord à chaque occasion.

Propos recueillis par RECIF FRANCE chez J. MULLER Novembre 1999