Les Limaces de mer

par Robert J. TOONEN, Ph.D - Hawaii

 

Photo Greg Schiemer

Elysia crispata (Ia limaoe Iaitue) photographi? dans un seau durant l' acclimatation. Ces animaux sont extr?mement sensibles et doivent ?tre acclimat?s tr?s Ientement si ils doiveni r?ussir dans un aquarium r?cent


 

Photo Greg Schiemer

E/ysia crispata dans Ie refuge de Greg Schiemer. Ces animaux prosp?rent souvent dans un environnement de Iagune comme un refuge rempli d?algues. lls vont m?me se reproduire dans ces conditions bien que peu de personnes aient beaucoup de succ?s dans la multiplication de ces animaux dans |?aquarium.


 

Photo Julian Sprung

Un Ii?vre de mer (Aplysia sp.) ? la recherche de macro algues charnues dont il se nourrit. Ces Iimaces constituent |?une des rares convenant a Ia vie en aquarium, mais qui ne devrait ?tre uniquement tenue par des aquariophiles chevronn?s.


 

Photo Julian Sprung

Un gros plan de la t?te de Aplysia californica se nourrissant. En plus de la nourriture obtenues des macro algues, ces limaces ing?rent une importante vari?t? de compos?s d?fensifs pr?sents dans les algues, qu?elles concentrent dans une telnture violac?e qui peut ?tre ?ject?e lorsque la llmace est menac?e par des pr?dateurs.


 

Photo Julian Sprung


 

Photo Julian Sprung

Les li?vres de mer poss?dent deux larges pans sur leurs corps pour couvrir la coquille interne en forme de plaque. Ces extensions en forme d?ailes peuvent ?tre utilis?es pour de courtes pouss?es de nage maladroite, comme sur la photo, lorsque l?animal est menac?. Si vous faites attention, vous devez ?tre capables de voir le contour de la plaque interne entre les "ailes" ?tendues.


 

Photo Julian Sprung


 

Photo Julian Sprung


 

Photo Julian Sprung

E/ysia crispata est l?une des llmaces la plus color?e, allant du vert terne, au bleu intense, au presque blanc, ? des bandes rouges, jaunes et bleues sur un fond vert et vlrtuellement chaque combinaison entre. ll subsiste un d?bat entre les experts pour savoir si la diverslt? des couleurs vues est Ia cons?quence d?une extr?me variabilit? lndividuelle ou une taxonomie mal comprise.


 

Photo Julian Sprung

E/ysia diomedea est une autre magnifique Iimace laitue qui est extr?mement difficile ? distinguer de E. crispata. La difficult? d?identification de l'esp?ce pr?sent?e ? Ia vente, associ?e ? un manque de connaissance concernant leur biologie de base et Ieurs exigences en captivit? a pour r?sultat une sentence de mort virtuelle pour Ia majorit? des limaces pr?sent?s dans le commerce.

Sur le chemin de retour, apr?s le congr?s MACNA XVl, je me suis arr?t? a Edmonton-Alberta. J'ai ?t? tr?s surpris de voir combien de boutiques sp?cialis?es en aquariophilie r?cifale s'?taient ouvertes en ville depuis ma derni?re visite, et j'ai aussi ?t? surpris par la grande vari?t? d'animaux disponibles a la vente. Non seulement cette activit? de loisir s'?tait d?velopp?e a Edmonton, mais il y avait aussi un magasin d'animaux marins et d?invert?br?s dans ma ville natale de Devon qui atteint maintenant une population d'environ... 5.000 personnes !

Ceci m'encouragea et me d?couragea ? la fois. Je me souvins combien il ?tait difficile de trouver une large s?lection d'animaux r?cifaux quelques ann?es auparavant [...] Malheureusement, la plupart des animaux que je vis ? la vente dans certains magasins avait de tr?s faible chance de survie en aquarium, et je me demandais si les gens qui venaient dans ces magasin en avaient conscience au moment d'acheter de nouveaux organismes pour leur bac ! Alors que j'?cris cet article, je suis en train de discuter de li?vres de mer, de limaces "laitue" et de nudibranches en m?me temps, mais cela prendrait tellement de temps que j'ai divis? cet article en 2 parties.

Qu' y a t'il dans un nom ?

Dans un premier temps, d?finissons les termes de "limace de mer" et de "nudibranche".
Beaucoup de gens les utilisent indiff?remment pour parler de plus de 3000 esp?ces de limaces de mer Opisthobranches, ce qui est tout simplement inad?quat.
Les nudibranches sont en fait une branche taxonomique propre - les limaces de mer ayant leurs branchies sur le dos. "Limace de mer", d'un autre cot?, est un terme descriptif qui peut ?tre appliqu? ? chacun des gast?ropodes sans coquilles vivant dans le milieu marin.

Avec leurs cousins ? coquilles, les Opisthobranches font partie des Mollusques classe des Gast?ropodes. En termes plus simples, la sous-classe des Opisthobranches repr?sente simplement un groupe d'escargot ne d?veloppant pas de coquille - contrairement a leurs cousins plus familiers, les escargots. La sous-classe des Opistobranchia contient beaucoup de groupes diff?rents de limaces de mer, mais les membres les plus divers et les plus spectaculaires sont les Nudibranchia. Les nudibranches sont aussi les limaces les plus courantes ? la vente dans le commerce animalier, donc il est facile de comprendre pourquoi certaines personnes peuvent faire l'erreur de confondre "nudibranches" et "limaces de mer". En plus des Nudibranchia l?ordre le plus commun dans les limaces de mer est celui des Sacoglossa (aussi connus sous l'appellation d' Ascoglosses), des Anaspidea, des Notaspidea et des Cephalaspidea (voir Brusca et Brusca 1990 ou Ruppert et Barnes 1994 pour plus de d?tails). Parce que chacun de ces groupes a le m?me statut taxonomique (chacun d'eux constitue un ordre), il est techniquement incorrect de classer un Sacoglossa ou un Cephalaspidea dans les "nudibranches" et le terme g?n?rique de "limaces de mer" est pr?f?rable si vous ne souhaitez pas utiliser le nom appropri? d'Opisthobranche.

Je fais le distinguo pour plusieurs raisons. Premi?rement, je pense qu'il est important d?utiliser les noms corrects pour les habitants de nos bacs, afin d'?viter toute confusion. Deuxi?mement, il y a effectivement certains chercheurs qui ne pensent pas que toutes ces limaces de mer soient vraiment aussi proches les unes des autres, et si ces chercheurs ont raison (c'est ? dire que certains anc?tres des escargots auraient converg? en un corps proche de celui des limaces et ne seraient pas si li?s ? celles- ci), alors il pourrait y avoir au moins autant de diff?rences entre les diff?rentes "limaces de mer" qu'il y en a entre les poissons et les mammif?res ! Les gens n'accepteraient jamais de mettre les poissons et les mammif?res sous une m?me r?f?rence, et c'est pourtant ce qui est fait avec les limaces de mer. La biologie, le style de vie et les soins en aquarium sont aussi diff?rents que le sont ces animaux de groupes aussi diff?rents. Et s'il ne devait pas y avoir d'autres raisons, les similitudes entre les groupes proches et les diff?rences entres les groupes ?loign?s devraient ?tre une raison suffisante pour vous de faire attention a la bonne classification de ces animaux.

Finalement, et de fa?on plus importante, il y a litt?ralement des centaines d'esp?ces parmi les Nudibranchia mais chacune de celles qui a ?t? ?tudi?e a ce jour est exclusivement pr?datrice (c'est a dire qu'elles se nourrissent seulement d'animaux, pas d'algues). Parce que tous les membres connus de l'ordre des Nudibranchia qui ont ?t? ?tudi?s ? ce jour ont pour proie des animaux, et certains d'eux ont une alimentation si sp?cifique qu'ils sont capable de reconnaitre seulement une ou deux esp?ces de proies. Si cette proie (qui est g?n?ralement un invert?br? tel qu'un cnidaire, un bryozoaire, une ascidie ou une ?ponge) n'est pas disponible dans l'aquarium, alors l'animal tournera sans fin, cherchant sa proie, et d?p?rira lentement jusqu'a ce qu'il ne puisse plus subvenir ? ses besoins m?taboliques et meure (c'est g?n?ralement une question d'un a quelques mois pour un animal qui a ?t? bien nourri pr?alablement et qui est introduit dans un aquarium). Si on lui donne une nourriture adapt?e, aucun de ces udibranches ne peut ?tre consid?r? comme facile ? garder ou particuli?rement adapt? au r?cifal. Je parlerai de fa?on plus d?taill?e de ces animaux dans la deuxi?me partie de cet article.

Pourquoi il faut ?viter d'acheter des Iimaces de mer

Tout d?abord, il faut dire que tant que l'on n'est pas capable de d?terminer l'esp?ce d'une limace de mer et ses besoins pr?cis en captivit? ? partir d'une source fiable, je recommanderais toujours de ne pas l'acheter. Dans leur livre, "Les invert?br?s recifaux", Anthony Calfo & Bob Fenner (2003) ont consacre un chapitre entier aux mollusques Opisthobranches et parlent de la s?lection, des soins et de la nourriture ? donner pour de nombreuses esp?ces offertes ? la vente. Ils parlent des nombreux membres de ces groupes en des d?tails plus pr?cis qu'il n'est possible de le faire en ce court article. Julian Sprung (2001) a aussi de tr?s belles photographies et descriptions de certaines des limaces de mer les plus communes disponibles ? la vente dans son livre : lnvert?br?s. Si vous n'avez pas l'un de ces livres et que vous n'?tes pas sur quant a l'identification de l'animal qui vous est propos? ? la vente dans votre magasin, demandez au vendeur de vous montrer l'un de ses livres pour faire une comparaison_ En dehors du fait qu'il y a des images spectaculaires dans ces ouvrages, il n'y en a pourtant que peu proportionnellement aux plus de 3000 esp?ces mentionn?es. Votre meilleur source pour obtenir des informations a jour sur la taxonomie et la biologie d'une limace non identifi?e sera probablement le Bill Rudman's Sea Slug Forum ou Michael Miller's Slug Site. En dehors du fait qu'il y a beaucoup de magnifiques limaces de mer ? y trouver, m?me si vous savez tr?s exactement ce que vous ?tes en train d'acheter et comment nourrir l'animal, la r?gle absolue est de toujours ?viter d'acheter quelque limace que ce soit. Malheureusement, la grande majorit? des limaces de mer sont magnifiques, mais virtuellement impossible ? adapter ? la vie en aquarium.

Donc, apr?s avoir dit cela, je veux vous donner quelques informations plus encourageantes. Si vous ?tes vraiment interess?s ? avoir une limace de mer dans votre bac r?cifal, il existe une possibilit? avec une esp?ce herbivore appartenant a l'un des autres ordres (tels que Sacoglossa ou Anaspidea) qui elle peut ?tre maintenue avec succ?s dans un aquarium appropri?. A chaque fois que l'on me pose des question sur les limaces de mer en g?n?ral ou les nudibranches en particulier, je donne toujours une recommandation g?n?rale sur ce qui doit ?tre ?vit?. Je r?p?te encore et encore qu'il faut avoir une somme raisonnable d?informations sur l'animal que vous projetez d'acheter et sur ses besoins sp?cifiques en nourriture. Je n'ai pas l'intention de changer de discours ici - je continue ? penser que personne ne doit avoir l'intention d'acheter l'un de ces animaux sans savoir tr?s exactement de quoi ceux-ci ont besoin pour prosp?rer en captivit?.

Je sais que je me r?p?te, mais j'insiste parce que presque toutes les limaces de mer ont des besoins extr?mement sp?cifiques en nourriture, et qu?elles mourront in?vitablement si leurs proies sp?cifiques ne sont pas disponibles dans le bac. G?n?ralement, les seules limaces nudibranches qui puissent prosp?rer en aquariums r?cifaux sont celles qui sont consid?r?es comme des plaies, tels que les principaux pr?dateurs de coraux mous du genre Phyllodesmium et dont les membres se nourrissent de coraux tels que les Sarcophyton, les Briareum et les Xenia. Je reprendrai ceci plus en d?tail dans la 2?me partie de cet article.

Les Li?vres de mer
Partant du fait que le bac plein de limaces qui m'a fait d?buter cet article ?taient toutes les deux des limaces non nudibranches, je suppose que je dois d?marrer mes propos sur ces deux groupes. Les limaces de mer Anaspidea souvent appel?es "li?vres de mer" ou "bunnies de mer" dans le commerce, ont un nom qui vient de leurs deux longues extensions ressemblant a des oreilles qui les font ressembler a un lapin. Honn?tement, moi je n'ai pas vu cette ressemblance, mais peut ?tre que vous si ! Contrairement aux limaces de mer nudibranches, qui ne poss?dent pas de coquille, les Anaspidea ont une toute petite coquille comme une plaque. Cette plaque n'est pas toujours pr?sente, et m?me lorsqu'elle l'est, la coquille est interne, ce qui fait penser a beaucoup de gens qu'il n'y en a pas. En g?n?ral, elles ont aussi des extensions ressemblant ? des ailes sur l'arri?re et au dessus de cette plaque, et qui peuvent ?tre utilis?es comme syst?me de propulsion dans la nage, lorsque la limace se sauve. Certains de ces animaux peuvent ?tre tr?s grands : dans son livre : Pacific Coast Nudibranchs, Dave Behrens rapporte que le plus grand li?vre de mer connu, Aplysia vaccaria peut atteindre 1 m de long et peser pr?s de I4 kg !

La plupart des lievres de mer tendent a se prot?ger en exsudant une encre pourpre et brillante lorsqu'ils sont inquiet?s. ll reste un d?bat r?current sur la fonction exacte de cette encre, mais les recherches sugg?rent que cette encre pourpre est une s?cr?tion concentr?e de compos?s d?fensifs fabriqu?e ? partir d'algues leur servant de nourriture (principalement la chair des algues rouges ou vertes ou les cyanobact?ries, en fonction des esp?ces). Les donn?es les plus cr?dibles partent de l'hypoth?se que les fonctions de l'encre ont un but d?fensif. Si on observe les changements de comportement d'un pr?dateur potentiel, on constate : (1) une ?rection de poils pour les vers de feu, (2) une augmentation de la production de mucus par les autres opisthobranches, (3) une r?duction du comportement alimentaire, augmentation du comportement de toilettage, et pauses temporaires dans les battements de coeur pour les crabes, (4) une r?duction ou une augmentation de i'activit? pour les oursins de mer cach?s et visibles, (5) une nage rapide pour les poissons (Carefoot et al. 1999). Lorsqu'ils sont attaqu?s, ces animaux ?jectent apparemment leur encre d?fensive pour d?concerter et irriter tous les pr?dateurs potentiels pendant qu'ils op?rent leur retraite. Cette encre n'est pas particuli?rement toxique (m?me si c'est tres certainement une source de stress pour beaucoup d' esp?ces), mais c'est un risque potentiel de pollution et de stress si elle n'est pas ?limin?e de l'aquarium. Heureusement, cette encre peut s'?liminer facilement en utilisant du charbon actif, ou en pratiquant des changements d'eau.

Comme pour les Sacoglossa dont je parlerai plus tard, les Anaspidea sont exclusivement herbivores, mais leur degr? de sp?cialisation alimentaire d?pend des esp?ces. Certaines d'entre elles (par exemple les Bursatella se font une specialit? des micro-algues poussant ? la surface des grains de sable, et doivent ing?rer des bouch?es entieres de sable pour filtrer les cyanobact?ries et les diatom?es qu'il contient. En ce sens, ils fonctionnent v?ritablement comme les concombres de mer bien connus, tels que les concombres « queue de tigres ? (par exemple les Holothuria hilla) Evidemment, un animal tel que celui-ci est particuli?rement adapt? a un bac avec un lit de sable ?pais plut?t qu'? un bac nu. Ainsi, Bursatella constituerait un choix plus ad?quat que n'importe quels autres pr?dateurs "specialis?s" pour une introduction en aquarium, tels qu'ils sont fr?quemment offerts ? la vente, mais malheureusement, je n'ai jamais rencontr? l'un de ces animaux dans quelque magasin d'aquariopnilie que ce soit.

Les d?fenses chimiques des li?vres de mer
Ces li?vres de mer ont un int?r?t pour les aquariophiles, parce qu'ils font partie des quelques esp?ces qui se nourrissent de cette algue ayant un go?t tr?s d?sagr?able et qui sont ignor?es par la majorit? des animaux dans nos aquariums. On pensalt ? l'origine que les li?vres de mer se nourrissaient sp?cifiquement de cette sorte d'algue peu go?teuse afin de collecter et isoler les compos?s d?fensifs qui emp?chent les autres animaux de se nourrir de cette algue. Cependant, des recherches plus r?centes sugg?rent que les li?vres de mer ont des m?canismes g?n?riques leur permettant d'isoler les m?tabolites des algues plut?t que les m?canismes qui sont ?troitement li?s aux compos?s particuliers, que ces m?canismes ne diff?rent pas ?norm?ment d'une esp?ce ? l'autre, et que les m?tabolites secondaires isol?s ne le sont pas sp?cialement pour leur d?fense (Pennings & Paul l993). De plus, les ?ssais biologiques montrent que les ?l?ments composant ce go?t d?sagr?able, isol?s dans la peau des li?vres de mer, ?taient produits par l'animal lui-m?me et non d?riv?s de leur nourriture ? base d'algues (Pennings et al. 1999). Les chercheurs ont trouv? que les m?tabolites secondaires d?riv?s des algues jouaient un r?le dans la d?fense chimique des li?vres de mer jou?e par leur encre, mais n'?taient pas responsables de leur saveur r?pulsive pour leurs pr?dateurs potentiels (Pennings et al. 1999). lls ont conclu que l'accumulation des m?tabolites d?riv?s de la nourriture qui agissait comme compos?s d?fensifs dans les glandes digestives pouvait intervenir principalement pour filtrer une nourriture riche en produits chimiques, plut?t que pour d?tourner les pr?dateurs (Pennings et al. 1999).

La reproduction des li?vres de mer en captivit?
Les animaux pr?sents dans la boutique d'Edmonton ?taient de l'espece Aplysia. Comme je l'ai dit pr?c?demment, il est encourageant de voir ces animaux propos?s ? la vente parce que ces limaces font partie de l'une des quelques esp?ces qui s'adaptent bien a la vie en aquarium. Leur fa?on de se nourrir est connue, et la plupart des li?vres de mer mangent quasiment tous les algues rouges ou vertes fraiches, filamenteuses ou non. La technique pour les ?lever est bien connue. En fait, les Aplysia sont l'un des principaux Opisthobranches ? ?tre reproduits a partir d'oeufs d'adultes en captivit? (Kriegstein et al. 1974). Cette connaissance a ?t? utilis?e ? grande ?chelle dans la mariculture et la reproduction des Aplysia en grande quantit? a d?marr? en 1983. Le NIH/University of Miami National Resource for Aplysia Facility envoie actuellement plus de 25.000 animaux par an ? partir de leurs installations. Malgr? le fait que tous ces facteurs sugg?rent que ces animaux devraient ?tre les mieux adapt?s au commerce aquariophile, mon enthousiasme a ?t? rapidement mod?r? lorsque j'ai r?alis? qu'il n'y avait aucune algue dans toute la boutique pouvant convenir comme nourriture ? ces magnifiques animaux. De plus, tr?s peu des limaces de mer ? la vente chez les sp?cialistes en aquariophilie sont issues de la reproduction en captivit?, parce que tous les Aplysia ?lev?s a l'Universit? de Miami sont vendus plut?t aux chercheurs qu'aux aquariophiles.

En outre, en fonction des esp?ces, nourrir ces animaux en captivit? peut ?tre bien plus difficile qu'il n'y parait. Pour certains li?vres de mer, leurs besoins en nourriture d?pendent en grande partie de leur ?ge, car comme beaucoup d'invert?br?s marins, ils peuvent montrer des diff?rences tr?s marqu?es quant ? leurs pr?f?rences en mati?re de nourriture (Pennings 1990). Donc, m?me en connaissant l' esp?ce de limace, et en sachant que c'est un herbivore, ce n'est pas suffisant pour lui fournir un environnement favorable si nous ne savez pas d?tecter les modifications de ses besoins lorsqu'il grandit. La biologie et les pr?f?rences en nourriture de ces animaux a ?t? la pierre angulaire d'un grand nombre de recherches, et les lecteurs que cela int?resse peuvent trouver plus d'informations dans la compilation d'articles sur la nourriture des li?vres de mer que l'on peut trouver sur le Sea Slug Forum ici.

Comme je l'ai mentionn? ci-dessus, les syst?mes d'accouplement de ces limaces sont bien adapt?s ? l'?levage en captivit?. Les Aplysia sont hermaphrodites simultan?s, ce qui les fait se reproduire parfois en tant que m?les, et parfois en tant que femelles {Angeloni et al.2003). Ils d?posent une masse g?latineuse d'oeufs de laquelle ?closent des larves libres qui nagent et passent quelques semaines ? se nourrir de plancton avant de devenir capables de se m?tamorphoser en une forme adulte. Pour cette raison, ils ne sont pas adapt?s pour se reproduire en aquarium. Cependant, il est ?videmment possible de satisfaire ? la demande des aquariophiles pour ces animaux, si l'Universit? de Miami est capable de vendre des dizaines de milliers de limaces qu'ils ?l?vent chaque ann?e. Pour l'aquariophile priv?, la culture des larves est plus difficile, parce qu'il faut nourrir ces larves sur une longue p?riode m?me si les techniques sur la culture des larves planctoniques marines sont bien connues (par ex, voir Toonen 1996, pour plus d'informations). L'un des principaux obstacles auquel on doit faire face lorsque l'on ?l?ve de tels animaux est de savoir ? quels signaux ils r?pondent lorsqu'ils s'installent.
Heureusement les Aplysia se m?tamorphosent en pr?sence d'une large gamme de micro-algues (particuli?rement les rouges, voir Pawlik 1988) et compar?s ? leurs cousins nudibranches, ils sont assez faciles ? reproduire et ?lever en captivit?. De m?me, leur nourriture pr?f?r?e, l'algue rouge Gracilaria est aussi relativement facile ? cultiver et disponible dans le commerce.

Les limaces "Laitue"
Les limaces identifi?es en magasin sous l'appellation de "Nudibranches laitue" sont pour la plupart des limaces de merElysia crispata appel? Tridachia crispata jusqu'a r?cemment (Gosliner 1995). M?me apr?s la r?cente nouvelle appellation donn?e par Gosliner, Elysia crispata reste l'une des limaces de mer la plus variable au monde, et il existe un d?bat pour savoir si cela est une cons?quence d'une extreme varlabilit? individuelle ou une taxonomie largement incompl?te. Certains experts (tel que Bill Rudman et Kate Jensen) semblent penser que ces limaces sont probablement les membres d'une esp?ce morphologique similaire pour laquelle la taxonomie (et la biologique sp?cifique) n'est pas encore comprise.

Pour renforcer l'hypoth?se que Elysia crispata puisse ?tre une esp?ce complexe plut?t qu'une seule esp?ce ? indivldus extr?mement variables, il y a une quantit? consid?rable de diff?rences entre la mani?re dont elles se comportent ? la fois en aquarium et dans ia nature. Il y a un rapport entre les diff?rences en pr?f?rence alimentaire et mode de reproduction qui peuvent s'accompagner de variations dans ia couleur observ?es sur ies diff?rentes vari?t?s de ces iimaces. Si ceia est vrai, alors il y a quelques diff?rences majeures dans les besoins en aquarium et les soins adapt?s aux morphes de couleurs vari?es qui ont ?t? observ?es. Cela rendrait alors aussi plus probable qu'il y ait au moins deux esp?ces diff?rentes qui sont donc en attente d'un nom propre. Cependant, en ce qui concerne les aquariophiles, bien plus important que de savoir le vrai nom de l'esp?ce de ces animaux, il importe de comprendre qu'elle est l' histoire naturelle exacte de chaque groupe, de quoi ils se nourrissent, et quels sont leurs besoins biologiques sp?cifiques dans un aquarium. Seulement apr?s avoir compris ces questions tr?s importantes, et localis? le site d'origine sp?cifique pour chaque animal, nous pourrons v?ritablement pr?voir ce dont ils ont besoin pour survivre dans nos aquariums.

Biologie des Limaces "Laitue"
Comme je l'ai dit ci-dessus, ces animaux ne sont pas des nudibranches. Ce sont des limaces de mer Sacoglossa qui vivent en sucant le contenu des cellules vivantes de leurs proies. Fort heureusement pour les aquariophiles les plus aventureux d'entre nous, ceux qui veulent v?ritablement garder une limace de mer, certains des membres de ce groupe de non-nudibranches (particuli?rement les Sacoglossa, les C?phalaspides et les Anaspides), les limaces de mer peuvent en fait raisonnablement ?tre adapt?es dans certains aquariums.

En g?n?ral, les Sacoglossa sont parmi les limaces les plus color?es, mais aucune n'est aussi color?e ou frappante que ses cousins nudlbranches. Cependant, il y a quelques exceptions spectaculaires qui sont parfaitement adaptables dans un aquarium r?cifal. Par exemple, certaines especes, tel que les Lobiger sont herbivores ce qui peut ?tre d'une grande aide aux aquariophiles. Bien que j'ai dit que ces animaux sont herbivores, il y a en fait un peu plus a dire. ll y a r?ellement des limaces particuli?res qui ont une radula modifi?e ( le ruban de dents dures utilis? par la plupart des mollusques pour se nourrir), qui peut "chirurgicalement? enlever le contenu des cellules de certaines algues, ce qui leur permet cle dig?rer le contenu de ces cellules tout en pr?servant les choloroplastes (les plantes ? organelles photosynth?tiques ont l'habitude de produire de l'?nergie ? partir cle la lumi?re solaire) afin de les incorporer ? leurs propres cellules. En s'appropriant les organelles photosynth?tiques pour les utiliser un temps, les limaces sont capables de tirer avantage de leur fonction pour un temps court. Cette surprenante capacit? permet r?ellement a ces animaux de g?n?rer une partie de leur propre nourriture en faisant d'elles des limaces de mer " ? pouvoir solaire " !

Dans le cas present, les limaces que j'ai vues dans la boutique, Elysia (anciennement Tridachia) crispata tombent dans la cat?gorie des limaces de mer "? pouvoir solaire". C'est l'une des raisons pour laquelle j'?tais heureux de voir ces animaux offerts ? la vente dans ce magasin. Contrairement ? leurs cousins carnivores les nudibrancnes, les Sacoglossa (dont E. crispata est un membre) sont principalement herbivores, et vous pouvez les comparer ? des sortes de moustiques marins pour algues. Je sais que cela peut paraitre un peu bizarre, mais comment pouvez-vous d?crire un animal qui introduit un fin tube a l'int?rieur de son h?te et qui suce pr?cautionneusement son contenu avant de disparaitre ?

La plupart des limaces "laitue" import?es pour l'aquariophilie domestique semblent ?tre celles qui se nourrissent de « l'algue cheveu ? nuisible Bryopsis. Cependant, comme mentionn? ci-dessus, il y a des rapports s?rieux concernant la variation dans les pr?f?rences alimentaires et les modes de reproduction constat?s entre les diverses morphes de couleur, et certaines limaces "laitue" ignoreront compl?tement les Bryopsis en aquarium. Par exemple, les Elysia r?colt?s sur la Grande Barri?re de corail semblent s'?tre sp?cialis?es dans les Chlorodesmis plut?t que dans les Bryopsis (Hay et al. 1989). De plus, certaines limaces a l'int?rieur de cette esp?ce ont un d?veloppement direct et se reproduisent bien en aquarium, alors que d'autre produisent des larves planctoniques qui g?n?ralement ne survivent pas en aquarium. Face ? cette vari?t? de possibilit?s, et sacnant que les chercheurs ne peuvent pas actuellement relier ces faits entre eux, il est objectivement tres difficile pour vous, en tant qu'aquariopnile, d'?tre sur que vous savez ce que vous achetez lorsque vous faites l'acquisition de l'un de ces animaux dans un magasin animalier.

Comme je l'ai dit plus t?t, les limaces ?laitue" (E. crispata) font partie des limaces de mer dont la coloration est la plus diverse au monde, du vert le plus p?le au jaune brillant, rouge et bleu tr?s lumineux, voire bleu ?lectrique, et il semble probable que des recherches compl?mentaires r?v?leront que cette diversit? cache en fait la multiplicit? des especes ? l' int?rieur de ce genre. Cependant, d'autres esp?ces du genre, telle que Elysia viridis, sont tr?s discr?tes, ressemblant tant ? leur propre nourriture (principalement les alguesCodium, Bryopsis et Halimeda) que beaucoup de gens ne les voient pas, m?me apr?s qu'on leur ait dit qu'il y avait des limaces de mer dans l'aquarium !

Utiliser les Limaces "laitue" pour contr?ler les algues en aquarium
Beaucoup de ces limaces de mer sont achet?es afin d'?radiquer les algues nuisibles des bacs r?cifaux, mais en v?rit? elles rempliront rarement leur office. Tr?s peu cle limaces de mer ont la capacit? de contr?ler la densit? de population de leur proie naturelle, et les essais de contr?le biologique ont souvent des effets non d?sir?s (voir Secord 2003). En fait, certaines exp?rimentations faites en utilisant les limaces de mer en tant que contr?le biologique ont eu un effet exactement inverse ? celui ?sp?r?. Par exemple, afin cl'essayer de contr?ler l'invasion de la Caulerpa taxifolia les chercheurs ont utilis? une limace cle mer pr?datrice, Lobiger serradifalci. Au lieu de d?truire cette algue, ce qu'esp?raient les chercheurs, les limaces les ont en fait fragment?es en toutes petites portions, chacune d'elle devenant capable de se r?g?n?rer (Zuliievic et al 2001). Donc, l'introduction de L. serradifalci facilite en fait la prolif?ration de C. taxifolia plut?t que de la contr?ler. C'est donc l'effet inverse ? celui d?sir? pour un agent de contr?le biologique !

En d?pit de nos espoirs d'utiliser les limaces de mer pour ?radiquer les esp?ces nuisibles dans les aquariums, je doute que la plupart d'entre elles puissent avoir plus de succ?s ? accomplir ce r?le dans un aquarium qu'elles ne l'ont dans la nature. Les limaces de mer "laitue" se nourrissent de Bryopsis, mais elles arriveront rarement ? ?radiquer compl?tement les algues cl'un bac, elles mourront rapidement lorsque les algues dont elles se nourrissent seront ?limin?es. Cependant, la pr?sence de Limaces de mer particuli?res (telles que E. crispata se nourrissant de Bryopsis, E. viridis se nourrissant d' Halimeda ou L. souverbiei se nourrissant deCaulerpa) ralentiront souvent la croissance des algues au point qu'elles seront moins probl?matiques en aquarium r?cifal et plus faciles ? surveiller avec un effort raisonnable de la part de l'aquariophile. De toutes facons toutes ces Limaces seront infiniment plus appropri?es pour la moyenne des bacs r?cifaux que n'importe quels vrais nudibranches dont je parlerai prochainement.

Les d?fenses chimiques des Limaces "laitue"
Une autre information int?ressante sur Elysia est que la limace semble bien se d?fendre via des produits chimiques au go?t d?sagreable. L'origine de ces produits chimiques "anti- gouteux" chez ces Limaces n'est pas tr?s bien connue, mais il semble qu'elles s?questrent un compose appel? chlorodesmine ? partir des algues, ce qui leur fournit un bon niveau de d?fense. Cependant, ce n'est pas suffisant comme information, parce que les aliments qui contiennent des extraits de ces compos?s trouv?s dans Elysia (incluant la chlorodesmine) sont mang?s de bon coeur par des labres du genre Thalassoma alors qu'ils ne mangent pas les limaces elles-m?mes (Hay et al . 1989). D'un autre cot?, une autre limace Sacoglossa commune, Cyerce nigricans qui retient des m?tabolites ? partir de l'algue Chlorodesmis en relativement petites quantit?s est encore moins appr?ci?e au go?t par les poissons : Cyerce n'est jamais attaqu? par les poissons, pourtant lorsque l'on incorpore des extraits organiques bruts de cette limace dans de la nourriture lors cl'essais de laboratoire, les labres sont fortement d?gout?s (Hay et al 1989).

Heureusement, ces d?fenses chimiques ne sont effectives que dans un but de pr?vention pour les limaces afin d'?viter cl'?tre mang?es, et non telle une toxine qui pourrait affecter les h?tes des aquariums.

Conclusion et r?sum?
Ceci n'est qu'une partie de ma diatribe qui a ?t? commenc?e lors de mon trajet de retour a la maison. J'esp?re que j'ai pu faire comprendre aux aquariophiles experiment?s qu'ils doivent scrupuleusement ?viter d'acheter une limace de mer pour leur bac. Rappelez-vous qu'a moins de conna?tre l'identitication sp?cifique et les besoins cle l'aniimal que vous ?tes sur le point d'acheter, la bonne id?e est de le laisser l? ou il est, parce que si vous ne connaissez pas l'esp?ce, vous ?tes sur le point d'acqu?rir un animal auquel il vous sera impossible de clonner les soins appropri?s. J'espere aussi que j'aurai donn? aux aquariophiles aventureux et exp?riment?s qui liront ceci une meilleure id?e de ce qui les attend, s'ils d?cident d'ignorer mes mises en garde et qu'ils prennent malgr? tout l'un de ces animaux pour leur bac. Donc, pour ceux d'entre vous qui ont un bon revendeur, capable de leur fournir toutes les informations d?taill?es sur ces animaux qu'ils pr?voient d'acheter, vous pourrez ?tre capables de rep?rer une de ces esp?ces n'appartenant pas aux limaces de mer nudibranches et ayant une bonne chance de survie (et peut ?tre de m?me de prosp?rit?) en captivit?...

Bibliographie:
  1. Angeloni, L., J.W. Bradbury & R.S. Burton, 2003. Multiple mating, paternity, and body size in a simultaneous hermaphrodite, Aplysia californica. Behavioral Ecology 14:554-560.
  2. Brusca, R. C., and G. J. Brucsa. 1990. Invertebrates. Sinauer Associates, Inc, Sunderland, Mass.
  3. Calfo, A. & R. Fenner, 2003. Reef Invertebrates: An Essential Guide to Selection, Care and Compatability. Reading Trees, Monroeville, PA.
  4. Carefoot, T.H., S.C. Pennings & J.P. Danko, 1999. A test of novel function(s) for the ink of sea hares. Journal of Experimental Marine Biology and Ecology 234:185-197.
  5. Gosliner, T. M. 1995. The Genus Thuridilla (Opisthobranchia: Elysiidae) from the Tropical Indo-Pacific, with a Revision of the Phylogeny and Systematics of the Elysiidae. Proceedings of the California Academy of Science 49:1-54.
  6. Hay, M. E., J. R. Pawlik, J. E. Duffy, and W. Fenical. 1989. Seaweed-herbivore-predator interactions: Host-plant specialization reduces predation on small herbivores. Oecologia 81:418-427.
  7. Kriegstein, A.R., V. Castellucci & E.R. Kandel, 1974. Metamorphosis of Aplysia californica in laboratory culture. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 71:3654-3658.
  8. Pawlik, J.R. 1988. Larvae of the sea hare Aplysia californica settle and metamorphose on an assortment of macroalgal species. Marine Ecology Progress Series 51:195-199.
  9. Pennings, S.C., 1990. Size-related shifts in herbivory: specialization in the sea hare Aplysia californica Cooper. Journal of Experimental Marine Biology and Ecology 142:43-61.
  10. Pennings S.C. & V.J. Paul, 1993. Sequestration of dietary secondary metabolites by 3 species of sea hares - location, specificity and dynamics. Marine Biology 117: 535-546.
  11. Pennings, S.C., V.J. Paul, D.C. Dunbar, M.T. Hamann, W.A. Lumbang, B. Novack, & R.S. Jacobs, 1999. Unpalatable compounds in the marine gastropod Dolabella auricularia: distribution and effect of diet. Journal of Chemical Ecology 25: 735-755.
  12. Ruppert, E. E., and R. D. Barnes. 1994. Invertebrate Zoology. Saunders College Publishing, Harcourt Brace Jovanovich Publishers, Orlando, FL.
  13. Secord, D., 2003. Biological control of marine invasive species: cautionary tales and land-based lessons. Biological Invasions 5:117-131.
  14. Sprung, J. 2001. Invertebrates: A Quick Reference Guide. Sea Challengers, Danville, CA.
  15. Toonen, R.J., 1996. The home breeders guide to marine invertebrates, an FAQ. The Breeder's Registry.
  16. Zulijevic, A., T. Thibaut, H. Elloukal, & A. Meinesz, 2001. Sea slug disperses the invasive Caulerpa taxifolia. Journal of the Marine Biological Association of the United Kingdom 81:343-344.

  17. Avec l'aimable autorisation de l'auteur, adaptation : « petite bulle »