Reproduction
réussie du poisson LSD :
Synchiropus picturatus
par Wolfgang Mai
Synchiropus picturatus lors de la ponte en aquarium |
Après
avoir déjà, dès 1999, réussi plusieurs
fois la reproduction du poisson-mandarin Pterosynchiropus splendidus,
il ne s'agissait que d'une question de temps jusqu'à ce que
le poisson LSD (Synchiropus picturatus) fasse partie des
poissons reproductibles. Le chemin fut pourtant semé d'embûches.
Il a été difficile de constituer un couple d'élevage
fonctionnel. J'ai acheté, au cours des années 2000
à 2002, chez divers commerçants plusieurs exemplaires
de cette espèce. Mais il s'agissait chaque fois d'animaux
amaigris par le transport et probablement également par de
mauvaises conditions de stabulation. Quelques-uns ont même
mangé au départ, mais ont maigri et malgré
tout l'apport imaginable en nourritures toutes les nouvelles acquisitions
sont décédées au plus tard dans un délai
compris entre 1 et 2 mois. C'est la raison pour laquelle j'ai d'abord
abandonné l'espoir de maintenir des poissons LSD.
En octobre 2004 j'ai trouvé chez un commerçant un
groupe de poissons LSD, qui semblait très sain et robuste.
Ils mesuraient entre 3 et 4 cm et picoraient en permanence avec
ardeur le substrat. Par rapport aux poissons acquis entre 2000 et
2002 j'ai remarqué de nettes différences. Tous les
exemplaires, qui étaient décédés chez
moi, montraient déjà une certaine léthargie
dans les bacs du commerçant. Ils ne bougeaient pas comme
les poissons que je voyais là. Après une intense observation
des animaux j'ai sélectionné un couple harmonieux.
J'ai remarqué que malgré l'évidente activité
des poissons le comportement agressif envers les autres mâles,
ce qui est normal chez les poissons-mandarins, n'était pas
très expressif. Dans le bac de vente de 100 litres du commerçant
il y avait 12 Synchiropus picturatus. J'ai pu en identifier
au moins cinq comme étant des mâles. Certes, ceux-ci
s'évitaient le plus souvent, mais lors des rencontres ils
soulevaient à peine la première courte épine
dorsale afin de s'impressionner mutuellement. Chez les poissons-mandarins
il y aurait déjà eu des dégâts.
Synchiropus picturatus mâle. Photo : W. Mai |
Première
ponte
Le
couple a été introduit directement dans mon bac d'un
volume de 2200 litres, car je ne voulais pas prendre de risques
concernant la problématique alimentaire. A ma grande joie,
les deux exemplaires ont de suite inspecté le substrat et
l'ensemble de la décoration à la recherche d'aliments.
Ils picoraient les copépodes et autres micro-organismes présents
sur les pierres, ils ont accepté avec beaucoup d'appétit
les artémias surgelés et de petits mysis. Le 16 décembre
2004 j'ai pu observer lors de travaux d'entretien la première
ascension du couple - je m'apprêtais à entreprendre
quelques corrections sur divers coraux avant l'extinction de l'éclairage
principal. Pour mes travaux j'avais arrêté les pompes
de circulation et préparé un gobelet posé sur
un renfort pour réceptionner les fragments de coraux. Le
couple de Synchiropus ne s'est pas laissé perturber
par ma présence, la partie supérieure de mon corps
était largement penchée au dessus de l'aquarium. Le
couple est monté directement au centre de l'aquarium et a
pondu au cours de cette première et unique ascension à
10 cm en dessous de la surface de l'eau. D'abord j'ai été
surpris, j'ai saisi le gobelet présent devant moi et j'ai
puisé plusieurs fois l'eau superficielle à l'endroit
de l'ascension, là où je supposais qu'il y avait les
oeufs, car je ne pouvais pas voir le nuage d'oeufs et de sperme.
Ainsi, j'ai pu récupérer une partie des oeufs et la
transférer dans mon "bac à larves"
Synchiropus picturatus, couple lors de la ponte, femelle à l'avant-plan - Photo : W. Mai |
Les larves se sont développées en l'espace des 72 heures suivantes. Il était alors possible de reconnaître nettement 30 petites larves brunâtres de poissons LSD, qui ont été placées dans un bac d'élevage de 25 litres contenant du phytoplancton et du zooplancton.
Dans ce bac se développaient déjà, depuis six jours, de petites larves de poissons-comète. Ainsi, j'étais sûr que la qualité de l'eau était bonne. Des copépodes et des Brachionus ont déjà été distribués dès le cinquième jour et ils se sont tellement développés qu'il était difficile de maintenir une eau d'un vert régulier. De plus une ébauche d'élevage de mes Turbellaria a été ajoutée au bac comme nourriture et comme détritivores. Je ne peux pas affirmer avec certitude si ces vers ont servi de nourriture aux larves de Synchiropus ou ont seulement servi à assainir l'eau. Mais je n'ai réussi à élever des poissons-mandarins que lorsque ces vers étaient présents dans le bac. Et, cela a aussi fonctionné avec les jeunes poissons-LSD. Après huit semaines 16 Synchiropus picturatus étaient encore vivants ; ils avaient une taille comprise entre 8 et 12 cm. La coloration des juvéniles se distingue à peine des jeunes Pterosynchiropus splendidus. Les taches oculaires typiques pour le poisson LSD se sont développées à partir de la dixième semaine.
Synchiropus picturatus, juvénile âgé de 4 semaines - Photo : W. Mai |
Seulement,
exactement deux mois après la ponte j'ai pu de nouveau observer
le rituel d'accouplement du couple. Tout s'est déroulé
aussi vite que la première fois. Seulement, dans ce cas,
les pompes de circulation étaient en fonctionnement et quand
j'ai réussi à arrêter toutes les pompes les
oeufs avaient disparu avec le courant. Le tout s'est déroulé
environ 3 minutes après l'extinction de l'éclairage
principal, vers 21h20. A présent j'étais prévenu
et les soirs suivants j'ai arrêté les pompes à
temps. Huit jours se sont écoulés jusqu'à la
prochaine ascension. Toutefois comme chez les poissons-lyres ce
sont 20 pariades simulées qui se sont déroulées.
L'acte de ponte réel ne s'est pas produit ce soir là
même après l'extinction complète de l'éclairage
(23h30). Mais j'ai souvent vécu cela avec mes poisons mandarins
et ainsi je l'ai de nouveau essayé le soir suivant mais alors
avec succès. La patience constitue l'une des caractéristiques
principales lors de l'élevage de poissons coralliens.
Synchiropus picturatus lors de la ponte en aquarium |
L'acte
de ponte
L'acte de ponte se produit le plus souvent 5 minutes avant à
15 minutes après l'extinction de l'éclairage principal.
Il est nécessaire, d'installer une minuterie, afin que le
rythme journalier soit toujours identique et que les poissons y
soient habitués.
Au cours de la phase temporelle citée il faut arrêter
les pompes de circulation. En présence d'un faible éclairage
par un tube fluorescent bleu il est facile d'observer l'acte de
ponte.
Le nuage oeufs/sperme est déposé à 10 cm sous
la surface de l'eau durant la phase ascensionnelle, le couple plongeant
de nouveau de suite.
Les oeufs produits doivent être récoltés avec
un gobelet sous la surface de l'eau. La pêche avec une épuisette
n'est pas possible.
Si le couple grimpe jusqu'à la surface de l'eau, il n'y pas
émission d'oeufs. La danse nuptiale se poursuit souvent en
position verticale à la surface de l'eau.
Les deux partenaires plongent de nouveau à un moment donné,
se rencontrent au sol puis remontent de nouveau ensemble.
Le
bac à larves
Les pondeurs en pleine eau émettent de minuscules oeufs le
plus souvent transparents. Ceux-ci sont susceptibles soit de dériver
un certain temps à la surface de l'eau soit de tomber au
sol. Un contact permanent ou répété avec les
murs extérieurs est nocif. C'est pourquoi la meilleure méthode
pour les prochaine 72 heures est constituée par un séjour
dans le "bac à larves".
Il
s'agit d'un récipient rond, hexagonal ou octogonal contenant
de 2 à 4 litres. Celui-ci doit être accroché
dans un coin du bac principal dans lequel se trouve le couple d'élevage.
Le sol se compose d'une fine passoire avec des mailles d'un diamètre
de 40 à 50 µ.
Le bac à larves pour les maintenir en suspension. | Le bac à larves en fonctionnement - Photos : W. Mai |
Les oeufs récoltés avec le gobelet peuvent être
directement versés dans le bac à larves. Il est possible
de renouveler l'opération jusqu'à ce qu'il n'y ait
plus d'oeufs sous la surface de l'eau. L'eau excédentaire
peut s'échapper par la passoire. On installe alors un petit
moteur de modélisme à rotation lente au dessus du
récipient, avec une rotation de 20 à 30 tours minutes,
actionnant une hélice d'avion à travers un petit tube
en plastique. Le nombre de rotations doit être réglé
de façon à ce que les oeufs (reconnaissables dans
la lumière du contre-jour) tourbillonnent en suspension autour
de l'axe central. Les oeufs et les larves peuvent s'y développer
durant 72 heures, sans entrer en contact avec le sol ou les murs.
Tous les essais de maintenir les oeufs en mouvement avec des bulles
d'air ont échoué.
La signification exacte de ces petits vers indispensables pour l'élevage n'est pas encore connue - Photo : W. Mai |
L'alimentation
des larves
La
meilleure méthode d'après mes connaissances actuelles
consiste en un mélange de Brachionus enrichis, de
larves de copépodes et de petits vers rouges (Turbellaria).
Le zooplancton doit être trié en fonction de la taille
au cours des premiers jours avec une passoire de 50 µ et une
passoire de100 µ. Les minuscules larves ne peuvent d'abord
manger que de très petits micro-organismes. Dans certaines
circonstances elles ont été attaquées par des
copépodes adultes. Les vers rouges cités qui font
certainement partie des Turbellaria, n'ont toutefois pas
pu être mieux déterminés jusqu'à présent.
La première fois, je les ai découvert sur des coquilles
de moules. J'ai également pu trouver ces vers dans un échantillon
de sol provenant de Gênes (Méditerranée). Ils
ont une longueur comprise entre 80 et 120 µ et devaient, bien
qu'ils entrent en ligne de compte comme nourriture des larves à
partir du quatorzième jour de vie, peupler le bac d'élevage
dès le premier jour. Ils servent visiblement à l'amélioration
des paramètres de l'eau, parce qu'ils absorbent comme les
larves des copépodes les excréments et les restes
de nourriture reposant sur le sol.
Synchiropus picturatus, juvéniles âgés de huit semaines - Photo : W. Mai |
Larves
de poissons et juvéniles
Les
larves de poissons colorées en gris brunâtre nagent
activement du troisième au quatorzième jour et de
façon ciblée à travers l'eau chassant des larves
de copépodes et des Brachionus. Ensuite avec une taille
de 2 mm ils passent à un mode de vie benthique. Les juvéniles
sont à peine visibles sur les détritus présents
sur le sol à cause de leur minuscule taille. Ils reposent
souvent des minutes durant sans mouvement à un endroit. C'est
pourquoi il n'est pas conseillé d'aspirer le sol au cours
de cette phase. La transformation et le traitement des déchets
sont laissés à la charge des copépodes et des
vers présents. Maintenant il n'y a plus besoin de garder
l'eau verte avec du phytoplancton et le bac d'élevage peut
être relié au circuit de bac principal ou d'une unité
d'élevage. Un apport d'eau en goutte à goutte est
suffisant avec un trop plein bien protégé par un filet
à mailles fines afin que les jeunes ne puissent être
entraînés. A partir de la quatrième semaine,
on ne nourrit plus qu'avec des artémias enrichis. A partir
de la huitième semaine on peut déjà distribuer
du surgelé très fin. Ils aiment consommer des Moina (puces d'eau japonaises), du plancton rouge et des bosmides. A partir
d'une taille d'environ 2 cm les poissons peuvent être transférés
dans des aquariums normaux. Si, comme signalé chez cette
espèce, une cohabitation de plusieurs couples est possible
dans un aquarium cela va pouvoir être testé maintenant
avec les premiers animaux d'élevage. Jusqu'à présent
les 16 poissons-LSD s'entendent bien.
Avec l'aimable autorisation de W. Mai