Elevage r?ussi du poisson-pyjama
Sphaeramia nematoptera


par Wolfgang Mai

En aquariophilie d'eau de mer peu de choses sont connues concernant l'élevage des divers Apogonidés (excepté Pterapogon kauderni). Nous savons certes que beaucoup d'espèces sont des incubateurs buccaux, en réalité personne ne les a visiblement élevés. Après beaucoup de recherches j'ai toujours trouvé une description d'élevage très insuffisante, mais toujours répétée : "L'élevage des incubateurs buccaux est relativement facile. Les larves qui éclosent atteignent à la naissance une taille de 3 mm et peuvent être élevées avec des rotifères ..."
Il a au moins été reconnu, qu'il s'agit de larves et pas comme chez Pterapogon kauderni de juvéniles complètement développés. En ce qui concerne la notion de larves le mot "relativement facile" se relativise toutefois alors rapidement. On savait donc pour Sphaeramia nematoptera que les jeunes sont nettement plus petits que chez P. kauderni et quels problèmes seront à résoudre lors de l'élevage..

Un aquarium avec beaucoup de grottes, surplombs et fentes constitue un bon choix pour les "pyjama"- Photo : E. Kollinger.

Maintenance en aquarium et aspect
Sphaeramia nematoptera ne poss?de pas de coloration spectaculaire mais tr?s int?ressante. Sur un fond beige ? vert olive le poisson est presque divis? en deux par une ?paisse barre noire verticale, allant de la pointe de la premi?re nageoire dorsale au bas du ventre entre nageoire ventrale et nageoire anale. Ce trait se poursuit de mani?re att?nu?e dans la nageoire ventrale. La partie postérieure jusqu'à l'amorce de la nageoire caudale est beige clair avec de beaux points brun sombre bien dessinés et régulièrement répartis. La moitié corporelle antérieure est brun olive.
Les gros yeux sont prononcés. La pupille noire est encadrée par un large iris rouge vif. La nageoire caudale, la nageoire anale, la deuxième nageoire dorsale ainsi que les nageoires pectorales sont transparentes. Le premier et le deuxième rayons de la deuxième nageoire dorsale est plus long et semble argenté avec un fin liseré noir. La large barre noire au centre du corps et la moitié postérieure tachetée donnent réellement l'apparence qu'il pourrait s'agir d'un pantalon.
Peut-être qu'une personne a réellement porté un tel pantalon de pyjama et que c'est ainsi que le poisson a acquis son nom ?

En avril 2006 j'ai acheté chez un commerçant 4 "pyjamas" semi adultes. Il s'agit, comment en pourrait il être autrement, d'individus sauvages. Je les ai placé dans un bac récifal de 2200 litres contenant une population relativement importante d'espèces de poissons le plus souvent maintenues en couple. Ils ne présentaient aucun problème dès le premier jour, mangeaient presque tout et ne s'occupaient pas des autres habitants du bac. Ils ne prêtaient pas plus attention aux deux couples de P. kauderni présents dans le même bac. Un véritable enrichissement puisqu'il s'agit d'un groupe de poissons vivants.
Naturellement tous les quatre "pyjama" traversaient ensembles le "récif" au cours des six mois suivants. A l'approche de la maturité sexuelle deux couples se sont formés comme ce fut le cas chez les P. kauderni. Ils se sont partagés l'aquarium : un couple à gauche, l'autre à droite.
Les limites territoriales ne sont pas aussi intensément défendues que chez P. kauderni, mais une séparation franche pouvait être constatée. Mais les combats territoriaux se résumaient exclusivement à des querelles intraspécifiques. Les autres poissons étaient complètement ignorés.

Le poisson-cardinal pyjama avec un paquet d'oeufs dans la gueule - Photo : W. Mai.



Formation du couple et élevage
La formation du couple s'est déroulée sans problème. Deux animaux se sont simplement retirés durant quelques heures dans la partie gauche du bac et les deux autres animaux dans la partie droite. Les périodes se sont prolongées au cours des semaines. Jusqu'à ce que, de plus en plus rarement, le plus souvent durant la distribution de nourriture une rencontre de tous les quatre pouvait être observée.
Une différence sexuelle ne peut être reconnue qu'au niveau de la papille sexuelle entre la nageoire ventrale et la nageoire anale, peu avant et durant l'accouplerrent. Mais, même après plusieurs heures d'observation je ne suis pas toujours certain si une femelle ou un mâle se trouve devant moi, sauf si le mâle porte la ponte dans sa gueule. Dans ce cas il est immédiatement reconnaissable, il ne mange pas et possède une poche épaissie. Parfois on aperçoit comment en "mâchant" il tourne la balle d'oeufs dans sa bouche ouverte.

Ponte agée de 5 jours de Sphaeramia nematoptera - Photo : W. Mai.


Lors de la première fois je n'ai pas pu observer quand les oeufs ont été fécondés et transférés. C'est pourquoi j'ai essayé le cinquième jour après avoir remarqué le symptôme sans équivoque d'attraper le mâle. Mais à la seule vue de l'épuisette le mâle s'est effrayé et a recraché la totalité des oeufs. J'ai certes ainsi pu réaliser d'intéressantes photos de la balle d'oeufs, mais il n'y eut pas de développement ultérieur de la ponte sans le soin attentif du mâle. Tous les oeufs ont moisi au cours des deux jours suivants. La ponte comptait 320 oeufs.
La deuxième ponte a été constatée 25 jours plus tard. Là encore je n'ai pas pu observer le rituel de l'accouplement. J'ai pu déterminer le jour exact, car le mâle a encore pris de la nourriture le matin même mais a ignoré la nourriture le soir et avait une gueule gonflée. J'ai alors attendu 7 jours et j'ai essayé le huitième jour de diriger avec précautions le mâle vers l'épuisette. Mais cette fois encore le mâle a recraché les oeufs dès le premier essai hésitant de capture. Les oeufs récoltés étaient déjà argentés et dérivaient individuellement dans l'eau. J'ai essayé d'en capturer quelques uns à l'aide d'un gobelet pour les transférer dans mon bac d'?levage sp?cial.

Oeufs et larves le jour de l'?closion - Photo : W. Mai.

Le lendemain matin quelques larves nageaient effectivement librement dans l'eau. D'après les recherches effectuées sur internet elles devaient mesurer 3 millimètres et être relativement faciles à élever !? Effectivement elles avaient une grande similitude avec les larves de Chrysiptera parasema. En aucun cas elles n'avaient 3 millimètres de longueur. Je pourrai dire maintenant une longueur de 2 millimètres, mais cela ne renseigne pas sur ces minilarves, car les larves sont si minces qu'une longueur corporelle de 2 millimètres laisserait supposer un aspect nettement plus robuste.

Naturellement j'ai essayé l'élevage dans mon bouillon éprouvé de phytoplancton : Isochrysis / Nannochloropsis dans un bac d'élevage de 40 litres. La visibilité a été réglée à 10 cm. Cette visibilité constitue pour moi la seule possibilité mesurable de définition de la concentration du phytoplancton.
A des fins de contrôle j'y ai ajouté environ 100 larves de Pseudochromis fridmani écloses en même temps. Elles ont été nourries avec des Brachionus bien enrichis d'une taille inférieure à 140 pm. Les Brachionus non consommés sont retirés chaque jour à l'aide d'une passoire à plancton de 48 pm et de nouveau enrichis. Ceci permet de n'offrir aux larves que des Brachionus avec les meilleures substances nutritives. Après quelques jours j'ai pu reconnaître dans le bouillon vert parmi les nombreuses larves de P. fridmani environ 4 à 5 larves de " pyjama". A partir du sixième jour j'ai rajouté quelques artémias fraîchement écloses (qualité Platinum). A partir du douzième jour selon la réputée méthode du réfrigérateur des artémias enrichis. Naturellement comme pour les Brachionus les artémias non consommées ont également été retirées quelques heures après la distribution à l'aide d'un filtre à plancton correspondant.


Poisson ?g? de six semaines - Photo W. Mai.


Difficult?s durant l'?levage
Les larves de Pseudochromis se sont normalement développées jusqu'au changement de couleur au cours 25 jours suivants. Les larves de "pyjama" ont a peine poussé. Comme elles étaient encore si petites, je les ai transférées le vingt-huitième jour dans un autre bac avec de nouvelles larves de Pseudochromis fraîchement écloses. Là elles ont poursuivi leur développement jusqu'au cinquantième jour. La forme typique des poissons-cardinal était déjà reconnaissable bien que les juvéniles soient encore transparents.
Deux jeunes se sont colorées entre le soixantième et le soixante-dixième jour avec une taille d'environ 8 mm. Le trait vertical noir a été le premier caractère visible. A la taille corporelle de l cm, atteinte au bout de 90 jours, j'avais mes deux premiers exemplaires de Sphaeramia nematoptera reproduits complètement développés et colorés.

Poisson ?g? de quatre mois - Photo W. Mai.


Entre temps il y eu plusieurs fois de nouvelles larves, que je voulais absolument récolter. La difficulté lors de la capture d'un mâle gravide était cependant à peine surmontable à cause de leur impressionnabilité. Aussi lors des essais de capture ultérieurs tout s'est presque mal déroulé et les larves à moitié développées sont décédées peu de temps après. C'est pourquoi j'ai attendu le crachat naturel des larves. Ceci se produit d'après mes observations le plus souvent au cours de la huitième à la neuvième nuit après l'accouplement ou le transfert des oeufs. Les larves sont quelques peu photo-tropes et peuvent être en partie capturées avec un piège à larves (piège lumineux). Il faut uniquement calculer quand le piège à larves doit être mis en place. Mais comme je pêche chaque nuit quelques larves de poissons dans le bac communautaire, je n'avais pas besoin d'attendre jusqu'à ce qu'il y ait aussi quelques "pyjama" dans le piège à larves. Grâce à ma longue expérience avec les larves de poissons les plus diverses, il m'est déjà possible de les différencier. Il est possible de les confondre tout au plus, comme déjà dit, avec les larves de Chrysiptera. Sous le microscope les "pyjamas", observ?s avec un ?clairage lat?ral, ont des yeux bleu fonc? lumineux et une tache ventrale bleu fonc?. Chrysiptera ont des yeux bleu clair et une tache ventrale beige.

Le rythme de ponte se situe entre 13 et 18 jours. Ceci limite heureusement un peu les jours, durant lesquels il me faut veiller aux larves de "pyjama" dans le pi?ge ? larves. Le faible taux de capture et le taux ?lev? de mortalit? lors de leur croissance ne rend pas leur ?levage des plus ais?s. Afin de pouvoir concurrencer les captures sauvages, les juv?niles n?cessitent une certaine taille pour la revente, qui n'est atteinte qu'entre 5 et 6 mois. Conclusion Le poisson-cardinal pyjama Sphaeramia nematoptera compte ? mon d?sespoir parmi les poissons bon march?. La capture et le transport ? partir du biotope sauvage est visiblement si bon march? que les poissons peuvent ?tre offerts chez nous en Europe pour quelques euros. Comme il en ressort de la description de l'élevage et de la durée de développement des larves une reproduction, avec la comparaison de coûts actuels, est absolument non rentable pour des éleveurs professionnels. Mais cela ne doit pas nous freiner d'essayer la reproduction même chez ces poissons et de la promouvoir. Je vous souhaite beaucoup de réussite.

Poisson âgé de cinq mois - Photo : W. Mai.

Avec l'aimable autorisation de W. Mai