Sable et réduction naturelle des nitrates

Par Sam GAMBLE

Adaptation fran?aise par Fabrice POIRAUD-LAMBERT

Ma passion ? commenc? il y a de nombreuses ann?es lorsque je me suis mis ? la plong?e sous-marine et que j'ai vu la beaut? des fonds au large du sud des Etats-Unis (Floride) et dans les Bahamas. Je vis maintenant en Floride avec les r?cifs ? port?e de bateau. Ce sera probablement un challenge ?ternel pour reproduire avec succ?s ce qui nous a d?j? ?t? pr?sent? par la nature.

Ceci inclut pour nous les r?cifs coralliens uniques en leur genre. Notre volont? de nous rapprocher de l'environnement naturel transforme la r?duction naturelle des nitrates en un champ d'exp?rimentation contenant des questions tr?s complexes.
Obliger la Nature ? divulguer ses secrets n'est pas simple, et nous avons ?t? n?gligeants en raison de nos succ?s avec des m?thodes artificielles. Gr?ce ? quelques pionniers, de nouveaux travaux ont ?t? r?alis?s, et une nouvelle tendance appara?t. En comprenant mieux et en ?tant plus proche de la nature, nous avons bon espoir de maintenir dans le futur des aquariums qui expliqueront la nature ? nos enfants.

Si l'on compare par rapport ? il y 5 ans, la reproduction d'un r?cif corallien en aquarium a fait des progr?s tr?s nets. Au d?but, les concepts favorisaient l'assistance technique de moyens comme la filtration externe, l'injection d'ozone, l'injection de CO2, l'?cumage, etc... Apr?s la publication des travaux du Professeur JAUBERT, une nouvelle direction apparue. Le mot 'nouvelle' n?cessite quelques explications, car cela repose actuellement beaucoup sur les syst?mes naturels ou sur l'?cologie. Cependant, beaucoup de d?tails manquaient.

Au Etats-Unis, l'id?e a ?t? test?e en premier par Bob Goemans, un auteur bien connu, aquariophile depuis 20 ans. Ses exp?riences attir?rent mon int?r?t et nous commen?ames ? correspondre. Nous d?cidames de mener nos recherches sur les syst?mes ? lit de sable plus particuli?rement au niveau de l'espace cr?? sous le sable : le Plenum. Ma premi?re d?couverte ?tait un paradoxe. Le concept du syst?me est simple, mais entra?ne des relations complexes. Plus vous regardez et plus cela devient inextricable et beau. Une partie de cette inextricable et complexe relation peut ?tre comprise gr?ce ? l'article 'Energie Vitale'.
Le concept peut ?tre utilis? sans sortir de Polytechnique pour l'expliquer, si nous admettons et acceptons la r?alit? des besoins naturels et les caract?ristiques des lois physiques et biologiques qui le gouvernent. C'est probablement pourquoi l'expression 'chemin biog?ochimique' a ?t? invent?. Il recouvre plusieurs notions d'un coup : bio = biologie, g?o = g?ologie, chimique = chimie. La vie est un ?quilibre de chaque ?v?nement, qu'il soit microscopique ou macroscopique. Nous consid?rons l'?quilibre comme une contribution ? notre mani?re de vivre, et il d?pend de tous les ?v?nements relatifs aux choses ou au ?tres vivants que nous voulons pr?server. Si vous essayez de maintenir un aquarium, vous devez consid?rer la principale culture que vous voulez pr?server et comprendre que d'innombrables ?v?nements microscopiques doivent avoir lieu pour maintenir les macro-cultures. La meilleure mani?re de comprendre le syst?me est de comprendre la simple cellule et de quoi elle a besoin pour maintenir son ?quilibre. Ceci inclut le chemin biog?ochimique.

Avec les syst?mes qui ont pr?c?d? le syst?me ? lit de sable, le plus gros probl?me ? r?soudre ?tait l'accumulation dangereuse des nitrates. Le besoin de r?duire la concentration de nitrates d?veloppa une m?thode naturelle d'?limination. La r?duction naturelle des nitrates ?tait connue pour avoir lieu dans des syst?mes naturels tel le sable des environnements marins naturels. La mani?re dont cela se passe et comment cela pouvait ?tre utilis? dans les aquariums marins avait aussi ?t? compris. Merci au Professeur Jaubert.

Pour aider ? la compr?hension des points cl?s de la r?duction naturelle des nitrates et le r?le des filtres de sable, nous devons nous int?resser sur les syst?mes ouverts dans la nature, pour d?velopper nos applications marines limit?es. Le but est d'obtenir un environnement nutritionnel pauvre, comme le sont tous les ?cosyst?mes des r?cifs coralliens. Dans le cas de notre aquarium r?cifal, nous commen?ons par construire un environnement en essayant de r?pondre au but de l'?cosyst?me. Pour ce faire avec succ?s, les ?l?ments cruciaux doivent ?tre fournis avec les ratios n?cessaires ? l'?quilibre, ? la survie et ? la croissance.
Les forces majeures sont l'?nergie chimique et radiante (lumi?re). Ces ?l?ments interagissent de mani?re complexe, et sont reli?s biotiquement et/ou non-biotiquement (par des ?l?ments vivants et/ou non). Avec le sujet de la r?duction naturelle de nitrates et de la filtration sur sable, le processus de d?nitrification est de la plus grande importance. Les bact?ries (microbes) servent de m?diateur au processus. La d?position de d?tritus organiques sur la couche de surface des s?diments marins maintient un m?tabolisme microbien ?lev? et limite la p?n?tration d'oxyg?ne (O2) dans le substrat. Un environnement id?al pour la r?duction microbienne des nitrates est alors cr??, o? les nitrates sont amplement suffisantes pour se substituer ? l'oxyg?ne dans le processus de d?gradation organique (Koike & Sorensen, 1988).

Dans les s?diments (couche sup?rieure du substrat benthique), ceci n'impliquerait qu'une tr?s fine couche qui ferait office d'interface pour l'ensemble de l'eau de l'aquarium. Dans les syst?mes utilisant des roches poreuses comme la m?thode berlinoise, ceci inclurait l'interface cr??e par la surface de la roche. Dans les s?diments marins naturels, l'interface oxique/anoxique (tr?s oxyg?n?e/peu oxyg?n?e) varie de quelques millim?tres ? plusieurs centim?tres. Alors, quel est l'effet d'un lit de sable de 5 cm, isol? du fond par un espace libre (Plenum), par rapport au principe de la r?duction des nitrates (d?nitrification) : Enorme !

La pr?sence de l'interface de surface, la zone ? la surface du sable o? les conditions oxiques sont chang?es organiquement en conditions anoxiques par le m?tabolisme microbien, ne change pas dans le filtre de sable vivant. En fait, elle semble ?tendue ou am?lior?e. Ce qui se passe en dessous est ce qui rend la diff?rence apparente lorsque l'on mesure des variables telles que les nitrates, l'oxyg?ne, le pH, le SH2 et l'alcalinit?.

Normalement, dans les s?diments marins, la zone situ?e sous la microzone oxique/anoxique est essentiellement ana?robie. la diffusion d'?l?ments depuis ou vers la zone ana?robie est plus lente et d'une capacit? r?duite compar? ? ce qui se passe au niveau des microzones. Une activit? accrue est le plus souvent le r?sultat de la pr?sence de plantes et d'animaux, qui accroissent les surfaces.

Dans le syst?me ? lit de sable, les ?l?ments traversent horizontalement et verticalement le substrat de s?diment et le plenum. L'oxyg?ne peut ?tre mesur? ? des niveaux anoxiques (faibles) ? diff?rents moments partout dans le lit de sable et le plenum. L'oxyg?ne peut ?tre pr?sent m?me si la couche de sable au dessus est temporairement ana?robie.

Les nitrates sont attir?s vers le plenum et s'accumulent souvent ici en concentrations plus ?lev?es que dans l'eau de l'aquarium. La production de nitrates issue de la charge organique se fait s?quentiellement ? travers les couches de sable et le plenum. Une r?duction graduelle des nitrates, du niveau d'oxyg?ne et du pH est associ?e avec cette transition. Il est int?ressant de constater que l'alcalinit? totale est partiellement associ?e ? ce ph?nom?ne et on peut observer un accroissement l?ger en proportion avec la d?croissance du pH.

A la vue de ces observations, il devrait ?tre possible de conclure que l'une des plus grosses contributions de ce syst?me ? lit de sable est d'opposer les microbes facultatifs aux microbes obligatoires. Les microbes ana?robes obligatoires sont trouv?s principalement dans les s?diments marins naturels, en dessous la microzone anoxique. Ils ne m?tabolisent et croissent que dans des conditions ana?robies. Cependant, les populations microbiennes facultatives peuvent ? la fois m?taboliser et cro?tre en environnements oxyg?n?s ou peu oxyg?n?s. Cette capacit? am?liore nettement la capacit? de traitement des nitrates. L'impl?mentation de ces possibilit?s facultatives en utilisant un lit de sable d'au moins 7,5 cm de haut sur la surface de l'aquarium, fournit un potentiel de filtration ?norme.

L'identification qualitative et quantitative directe des populations microbiennes n?cessite un ?quipement sp?cialis?. Indirectement, les techniques chimiques de mesure de la qualit? des param?tres de l'eau aident ? illustrer ces propos. L'?chantillonnage d'eau dans l'aquarium, au milieu de la couche sup?rieur de sable, au milieu de la couche de sable du fond, et au milieu du plenum, aide ? fournir des informations qui nous permettent de tirer des conclusions qui contredisent celles fournies par de r?centes recherches faites avec des s?diments en environnement marin. Un bon exemple est la pr?sence de bact?ries r?ductrices de souffre.
Les sulfures produits par les bact?ries r?ductrices de sulfates sont oxyd?s par diff?rents micro-organismes. Dans des conditions anoxiques, les bact?ries phototrophes anoxyg?niques utilisent les sulfures en tant que donneurs d'?lectrons, tandis que les bact?ries incolores du soufre oxydent les sulfates dans des conditions oxyques. Les diff?rents groupes de micro-organismes montrent de fortes interrelations (van Gemerden, 1994).
Les bact?ries r?ductrices de sulfates (SRB), produisent des sulfures en utilisant les excr?tions, anticorps, et mati?res en d?composition. Les sulfures peuvent redevenir des sulfates (oxydation) sous l'action des bact?ries du soufre incolores (CRB) et des bact?ries du soufre pourpres (PSB). Les organismes h?t?rotrophes a?robies sont fonctionnellement importants, leur activit? entra?nant une consommation d'oxyg?ne, et les organismes qui cr?ent la fermentation fournissant des substances de croissance pour les SRB (van den Ende F.P., van Gemerden H. 1994).

En dehors de leur effort collectif pour ?liminer les sulfate, CSB et PSB ont peu de caract?ristiques en commun et sont en comp?tition pour ce compos? issu de la r?duction du soufre. L'importance de l'oxydation du SH2 (Sulfure d'hydrog?ne) par chaque groupe d?pendra beaucoup de la disponibilit? de l'oxyg?ne. Sans oxyg?ne disponible, les sulfures seront exclusivement oxyd?s par les PSB, les bact?ries pouvant n?anmoins ?tre en contact avec la lumi?re (NdT : selon Sam, les bact?ries ?tant juste en dessous les bact?ries h?t?rotrophes qui sont ? l'interface sable/eau, et ?tant l?g?rement mobiles, elles peuvent monter vers la lumi?re et ?tre expos?es sans pour autant ?tre dans un milieu oxyg?n?, leur consommation ?tant sup?rieure ? la production d'oxyg?ne de leur environnement). Avec beaucoup d'oxyg?ne, virtuellement tous les sulfures seront oxyd?s par les CSB, en d?pit du fait que les PSB sont capables de croissances Chimiotrophes. Ceci s'explique par le fait que les CSB ont de plus grandes affinit?s pour les sulfures que les PSB. Dans la couche microbienne, la plupart des sulfures au niveau de l'interface oxyg?ne/sulfures sous de basses concentrations en oxyg?ne (van den Ende F.P., van Gemerden H. 1994).
Les micro-organismes des couches sup?rieures des s?diments influencent ? la fois le cycle de l'azote par des taux ?lev?s d'incorporation et de min?ralisation de compos?s azot?s, et aussi en changeant le micro-environnement chimique. L'activit? photosynth?tiques totale et la p?n?tration de l'oxyg?ne augmente ? la fois lorsque l'intensit? lumineuse est accrue. La consommation d'oxyg?ne est tr?s ?lev?e ? la limite basse de la zone oxique, o? sont r?alis?es d'intenses oxydations biologiques de compos?s de soufre r?duits et probablement aussi d'ammonium (Niels Peter Revsbech, Janne Nielson & Pia Kupka Hansen 1988).
Nous savons que l'oxydation de sulfures dans les s?diments o? les sulfures se r?pandent jusqu'? la zone oxique, peut ?tre limit?e ? une couche de 50 ? 100 microm?tres d'?paisseur, dans laquelle une population dense de bact?ries oxydatrices de sulfures interviennent dans le process (Jogensen & Revsbech, 983; Revsbech at Al., 1983). L'interface oxique - anoxique bouge de haut en bas durant les cycles diurnes des s?diments photosynth?tiquement actifs. C'est donc avantageux pour les micro-organismes utilisant diverses produits chimiques trouv?s ? proximit? de l'interface, d'?tre mobiles, car ils peuvent ainsi suivre l'interface dans ses d?placements. Beaucoup de micro-organismes oxydateurs de sulfures sont aussi mobiles (Niels Peter Revsbech, Janne Nielson & Pia Kupka Hansen 1988).

Les facteurs contrôlant l'abondance des bactéries dans les sédiments marins sont complexes. Il est couramment répandu que l'abondance des bactéries est le résultat de processus dépendants de la densité, qui sont en retour régulés par la surface des particules de sédiments. Les relations suggèrent que le nombre de bactéries est affecté par la densité de la colonie et la quantité de surface disponible pour qu'elles puissent s'y attacher.
Souvent pourtant, la surface des particules peut ne pas ?tre le facteur premier d?terminant le nombre de bact?ries, et il appara?t que les trous et les failles servent aussi de facteurs de contr?le. D'autres param?tres s?dimentologiques, comme l'arrangement des particules en trois dimensions, la topographie de chaque grain, et la distance entre chaque particule, forment un groupe de seconde importance.
Les ?chantillons de prot?ines enrichies ont nettement plus de bact?ries que ceux non trait?s. Les prot?ines absorb?es pourraient ?tre importantes pour la croissance des bact?ries, en tant que nutriments et sources d'?nergie. Les prot?ines, en tant que source d'azote renouvelable se d?gradent lors des recyclages, ?tant non renouvelables en tant que source d'?nergie (Yomomato N. & Lopez G., 1985).

Cet article fournit beaucoup d'informations, dont une ? propos de l'?nergie. Les concepts et d?finitions lourdes sont maintenant introduits et pr?ts pour d'autres expos?s. Maintenant, il nous faut regarder ce que cela signifie pour nos aquariums. Le type de sable pour cr?er le lit de sable est peut-?tre un point important ? voir. Le probl?me est plus complexe qu'il n'y para?t.

R?f?rences cit?es :
* van den Ende F.P. & van Germerden H. (1994) Relationships between functional groups of organisms in microbial mats, In Stal L.J. & Caumette P. (eds) Microbial Mats: Structure, Development, and Environmental Significance, NATO ASI Series G, Ecological Sciences, Vol. 35
* Gamble S. (1993), Hurricane Andrew and the John Pennekamp Coral Reef State Park, FAMA, November.
* Koike, I. & Sorensen J. (1988), Nitrate Reduction and Denitrification in Marine Sediments, In, Blackburn T. H., Sorensen J. (eds) Nitrogen Cycling In Coastal Marine Environments, SCOPE 33, John Wiley & Sons.
* Revsbech N.P., Nielson J. & Hansen P. K. (1988), Bentic Primary Production and Oxygen Profiles, In, Blackburn T. H., Sorensen J. (eds) Nitrogen Cycling In Coastal Marine Environments, SCOPE 33, John Wiley & Sons.
* Spotte S. (1992) Captive Seawater Fishes, Science and Technology. John Wiley and Sons, New York
* Yomomato N. & Lopez G. (1985), Bacterial Abundance In Relation To Surface Area and Organic Content of Marine Sediments, L. Exp. Mar. Ecol., Vol. 90, pp.209-220.

MARS © Copyright 1997, All Rights Reserved