ESSAIS DE REPRODUCTION
d'Amphiprion ocellaris cuv. (Pomacentridés)

par A. BERTSCHY

INTRODUCTION :

Amphiprion ocellaris Cuvier a été généralement confondu avec A. percula Lacepède, jusqu'à la révision de G.R. Allen. (1972)
Importé en Europe dès 1912 (Berlin), cette espèce fut aussi la première du genre à se reproduire en captivité (3 jeunes élevés à l'aquarium d'Onrust dans la baie de Djakarta, sur plusieurs milliers de larves écloses, Verwey, 1930)
J. Garnaud (1951) constata que la ponte pouvait avoir lieu en l'absence d'anémone, mais ne put amener aucune larve au-delà du 6°jour.
O. Foenig (1960) réussit l'élevage de 16 alevins et fut suivi par des aquariums publics (Wilhelma) et quelques amateurs. (Voir liste bibliographique)
Depuis 1974, l'espèce est élevée en Floride sur plusieurs générations. (Anonyme 1976) G.R. Allen (loc. cit. 269) écrit qu'elle est probablement l'espèce la plus favorable pour des tentatives de reproduction ; elle se contente pour pondre d'un bac de dimensions modestes (15 gallons, soit 57 litres environ) et, de plus, elle est prolifique (jusqu'à 28 pontes par an à l'aquarium Artis, selon de Graaf, 1977/ 265)
Le nombre d'œufs paraît excessivement variable de 280 à prés de 1500. (Garnaud loc. cit.)

Les protocoles d'élevage n'ont pas tous étés publiés, ceux du secteur commercial en particulier où les réussites seraient de l'ordre de 90%, et ceux qui ont fait l'objet de notes ne permettent pas de dégager une méthode, à la fois simple et fiable, qui comporterait des chances raisonnables de réussite.

Nous décrivons, à notre tour, une série de tentatives au cours desquelles 3 pontes du même couple, sur les 10 prélevées, nous ont permis d'amener 30 spécimens en tout au-delà de la phase larvaire qui dure une dizaine de jours à 26°C.

MATERIEL ET METHODES :

Couple reproducteur :
Le couple est constitué d'un mâle âgé de plus de 5ans (acquis juvénile en octobre 1973) et d'une femelle issue d'un lot de 10 juvéniles, acquis en janvier 1978, dont 7 sont mortes pendant le période d'acclimatation. Des 3 survivantes, 2 ont conservé sensiblement leur taille d'origine d'environ 40 mm (inhibition sociale), la 3éme a présenté, au contraire, une croissance rapide et s'est appariée au mâle en novembre 1978. Longueurs totales respectives au 30 mai 1979 : Mâle 73 mm ; femelle 65 mm
En valeur absolue, la taille des femelles dépasse celle des mâles (110 et 80 mm LT, de Graaf, loc. cit. 268 ;max.74,5 mm LS Allen/ 60) et, dans la nature, le couple reproducteur est formé de la plus grande femelle du groupe et du mâle de plus haut rang, qui sera néanmoins plus petit qu'elle. Il en est généralement de même en aquarium (Egensperger et Condé, fiche aquariologique A. ocellaris, supp. Rev. fr. Aquariol. 3 - 1976), mais parfois un couple, comme c'est le cas ici, peut présenter un rapport inverse en fonction d'âges très différents.
Burgess (1975/ 64) écrit que la reconnaissance des sexes serait possible d'après la forme de la 2èmè bande blanche. Celle-ci est plus large chez la femelle que chez le mâle et l'expansion en forme de coin du bord antérieur est plus développée chez la première que chez le second ; en conséquence, la distance séparant le sommet de la pointe de la 2ème bande, de la marge postérieure de la 1ère, est un peu plus courte chez la femelle que chez le mâle.
De Graaf (1977/ 268) a constaté le même dimorphisme sexuel chez tous les couples qui ont pondu à l'Aquarium Artis et cette différence se vérifie aussi chez notre couple.
Selon Garnaud (1951) néanmoins, la seconde bande banche, particulièrement variable, n'à aucune valeur discriminative ; il mentionne en revanche une large tâche noire à l'insertion des pectorales chez le mâle. (absente chez notre spécimen)

Alimentation :
Moule crue ou cuite. Crevettes, parfois Néréis et nourriture sèche. Bac de ponte : Les 4 spécimens cohabitent dans un bac de 220 litres d'eau de mer reconstituée (sels H.W.), filtré sur une gouttière chargée de perlon et de mousse poly éther et alimentée par un exhausteur d'un débit d'environ 600 l/heure, pourvu de deux diffuseurs d'air et d'un écumeur. Il est éclairé par 2 tubes Gro-Lux de 40W et décoré de roches en polystyrène recouvert de quartzite et de fragments de Madrépores.
Température moyenne :
27° C. Abondante plantation de Caulerpa Prolifera.
Une Radianthus sp. (probablement R. malu), des Actinia equina et des Aiptasia sp. complètent le peuplement.

Pontes :
La première, observée le 26 novembre 1978, fut suivie de 9 autres à des intervalles de 10 à 12 jours. Toutes furent déposées sur le décor en polystyrène, ce qui rendait difficile le prélèvement des œufs. La première se trouvait à 50 cm de la Radianthus, toutes les autres à son voisinage immédiat. Les pontes ont eu lieu, en général, en fin d'après-midi ; leur durée était d'environ une heure ; les œufs, de couleur jaune-clair, au nombre de 200 à 300, sont ovalaires, ca. 1,60 sur 1,20 mm. L'incubation dure 8 jours à 27°C. L'éclosion se produit quelques heures après l'extinction des tubes et se termine avant le matin, sauf pour une ponte (la 5ème) où elle s'est étalée sur 3 jours. (tableau 1)

Bac d'élevage :
Les 3 premières pontes ont été isolées dans un récipient en plastique d'environ 7,5 Litre dont le fond était remplacé par un tissage nylon recouvert d'un peu de sable, le tout plongé dans le bac des parents. Aucun succès au-delà de 35 heures.
A partir de la 4ème ponte, on a utilisé un bac en verre collé avec un filtre intégré qui correspond au schéma. La capacité totale est de 200 litres, l'enceinte recevant les alevins renferme environ 25 litres et les mailles du tissage nylon qui constitue le plancher laissent passer les nauplies d'artémia fraîchement écloses, ce qui semble un inconvénient. De plus, des alevins de la 9ème ponte se sont pris dans le fond du bac d'élevage, entre le renfort en verre et le tissage nylon. Pour pallier cet inconvénient, le fond a été recouvert d'une mince couche de sable. Le débit de l'exhausteur est de 600 l/heure ; une partie de cette eau est rejetée dans le bac des alevins, tandis que le reste, par l'intermédiaire d'un té plastique réglable, est rejeté dans l'aquarium.
La température était de 26°C pour les pontes n° 4 à 8, de 27 - 28° C pour les 2 dernières.
L'eau du bac d'élevage n'est pas prélevée dans le bac des parents, elle résulte du mélange de 1/3 d'eau neuve et de 2/3 d'eau d'un aquarium de 1000 litres en fonctionnement. Sa teneur en nitrites et en nitrates n'a pas pu être mesurée avec précision, mais elle est certainement très faible, compte tenu de remplacement journalier, dans le bac d'élevage, de 10 litres d'eau par de l'eau neuve (préparée 8 a 15 jours d'avance), ceci pendant les premiers jours au moins. Densité voisine de 1020 à 27 - 28°C.

Schéma du bac d'élevage

PROCEDURES :

Les œufs sont prélevés quelques heures avant l'éclosion par grattage du site de ponte à l'aide d'une pipette en verre à extrémité tranchante. Ils sont aspirés par succion ou par siphonnage, cette dernière méthode plus rapide, mais apparemment plus choquante.
Placés au fur et à mesure dans un récipient en plastique d'environ 1 litre, flottant sur l'eau du bac de ponte, les œufs sont comptés et triés. (élimination des œufs lésés) Ils sont ensuite transvasés dans le petit compartiment du bac d'élevage.
Avec l'éclosion commencent les difficultés pour bien nourrir les alevins. Après divers essais dont le meilleur a donné un taux de réussite de 36 à 66% (22 alevins sur 60 œufs), nous pouvons proposer la méthode suivante, testée à 28°C. Les 2 premiers jours, on distribue, toutes les heures diurnes, un mélange de Mikrozell, Liquizell et Tétra-min, préparé dans un verre d'eau de l'aquarium. Le débit du filtre, dans le compartiment des alevins, est réduit au moment de la distribution et rétabli, au maximum, un peu avant la distribution suivante, pour assurer un bon renouvellement de l'eau.
Au 3ème jour (ou même dès 1 jour ½ pour certains alevins) on distribue, 3 fois par jour, des nauplies d'Artémias fraîchement écloses ; l'addition simultanée de Mikrozell ou de Liquizell semble stimuler les alevins et les inciter à avaler les nauplies.
Les pertes qui sont ordinairement très importantes pendant les 3 ou 4 premiers jours, régressent à partir du 5ème ; dès ce moment, on peut espérer un succès d'élevage.
La "métamorphose " intervient, selon la température et peut-être l'alimentation entre le 8ème et le 12ème jour, avec l'apparition, un peu décalée, des 2 bandes claires antérieures sur fond orange et de la nage ondulante caractéristique ; les modifications sont progressives vers l'acquisition d'un patron de coloration qui se rapproche de plus en lus de celui de l'adulte (du 12èmè au 20ème jour : 9 mm), puis lui devient identique. (du 20ème au 80ème : 14 mm au 40ème jour, 16 mm au 60ème)

REMARQUES :

L'usage d'Euplotes (souche du Wilhelma Aquarium), essayé pour les 7 premières pontes, a été ensuite abandonné. (un seul succès pendant cette période). Nous ne pouvons cependant affirmer qu'il ne restait aucun de ces ciliés dans le bac d'élevage, malgré la température élevée qui leur est défavorable.
Il est possible que l'introduction de Mikrozell, Liquizell et Tétra-Min dans le bac, lors de chaque ponte, ait favorisé à la longue le développement d'une microfaune convenant à l'alimentation des alevins des deux dernières pontes.

BIBLIOGRAPHIE :
(Les références non citées ici se trouvent dans la liste de ALLEN - 1972)

ANONYME 1976 - On rearing the fry of marine tropicals Trop.
Fish Hobb. 25 : 32 et 34
ALLEN (G.R.) 1972 - The Anemofishes, their Classification and Biology
T.F.H. publ. Inc. Ltd. Neptune City H-943: 288pp.(avec une bibliographie de 207 titres)
BRUINENBERG (W.) 1975 - Aufzucht von Amphiprion ocellaris (percula)
T.I. (Tats. U Inform. Aquarist.) 9, 31: 16
BURGESS (W.E.) 1975 - Salts from the Seven Seas. Trop.
Fish Hobb. 24 : 61-65
GRAAF (F.de) 1977 - Encyclopédie des Poissons d'aquarium marin.
Ed. française, Elsevier-Séquoia, Paris-Bruxelles 344.
HACKINGER (A.) 1962 - Die Entwicklung der weissen Streifenzeichnung bei Amphiprion percula.
Die Pyramide, Wien, 10, H3: 126-127
HACKINGER (A.) 1967 - Anemonenfische in Aquarium gezuchtet.
Die Aufzucht von Amphiprion bicinctus im Aquarium.
Aquar. Mag. 1: 137-141
MEULENGRACHT - MADSEN (J) 1971 - Breeding Amphiprion percula
Trop. Fish Hobb. 19: 52-57
MITSCH (H.) 1941 - Breeding of clown fishes (Amphiprion percula)
The Aquarium, Philadelphia, 10: 48-50
MOE (M.A.Jr.) 1973 - Breeding the clownfish Amphiprion ocellaris.
Salt Water Aquarium, 9 2: 3-12
SPRINGMAN (W.) 1963 - Misslungene Zucht von Amphiprion percula.
DATZ 16: 174-176

Tableau I

N° des pontes Dates Œufsprélevés Eclosions Longévité
Des larves
1 26.11.78 Totalité 04.12.78 10 h
+- 250
2

05.12.78

totalité 13.12.78 20 h
3 17.12.78 totalité 25.12.78 35 h
4 27.12.78 40 04.01.79 4 alevins menés à terme
5 10.01.79 200 17.01.79 4%
18.01.79 30% 2 - 3 jours
19.01.79 45%
6 20.01.79 100 28.01.79 3 jours
7 01.02.79 75 09.02.79 3 jours
8 12.02.79 60 20.02.79 1 jour
9 24.02.79 100 04.03.79 4 alevins à terme
10 07.03.79 60 15.03.79 22 alevins à terme

Tableau II

( 4° ponte : éclosion et pertes sur 40 œufs prélevés. 26°C )

1er jour
2ème jour
3ème jour
4ème jour
5ème jour
6ème jour
Soir
Matin
Matin
Matin
Matin
Matin
30 larves
20 larves
7 larves
6 larves
5 larves
7 alevins menés à terme

Tableau III

( 9° ponte : éclosions et pertes sur 60 des 100 œufs prélevés. 27 - 28°C. )

1er jour
2ème jour
3ème jour
4ème jour

5ème jour
6ème jour
7ème jour
Matin
Matin
Matin
Matin
Soir
Matin
Soir
Matin
30 larves
25 larves
16 larves
15 larves
12 larves
10 larves
9 larves
4 alevins menés à terme

Evolution morphologique des alevins